Le Centre d'analyse stratégique a mené une étude relative au « plafond de verre » rencontré par les femmes lors de l'avancement de leur carrière, en se penchant particulièrement sur l'analyse des déterminants de l'avancement de carrières de femmes ayant atteint les plus hauts niveaux hiérarchiques du secteur privé. L'enquête identifie les déterminants de l'avancement, et décrypte les stratégies mises en oeuvre par ces femmes en position de direction. Les femmes interrogées relevaient de la catégorie des « cadres à forte responsabilité », telle que l'a défini l'Association pour l'emploi des cadres, à savoir occupant des postes de direction opérationnelle ou fonctionnelle, présentant des profils variés au regard du type de formation et de leur âge, du secteur d'activité, de la fonction occupée à la date de l'enquête, de la taille de l'entreprise et de son caractère international. Parmi ces femmes, certaines siégeaient dans les comités exécutifs (COMEX) et les comités de direction (CODIR), et quelques-unes ont été identifiées comme « hauts potentiels » et jugées susceptibles d'accéder à court terme à un poste de direction.
Ces parcours de femmes dirigeants témoignent de l'existence de deux formes d'ascension professionnelle : celles qui ont permis aux femmes de « briser », le plafond de verre, et celle qui leur ont permis de le « contourner ». Les femmes étant parvenues à briser le plafond de verre ont suivi des carrières assez traditionnelles, et leur parcours s'inscrivent dans une logique d'excellence scolaire. Diplômées de grandes écoles permettant des carrières professionnelles rapides, notamment au travers des « grands corps », ces parcours sont généralement empruntés, parmi les femmes interrogées, par celles qui sont issues des milieux les plus dotés socialement et culturellement. Ces trajectoires sont fréquemment accompagnées par une structuration des carrières relativement balisée la force du titre scolaire et l'adhésion aux valeurs de l'entreprise. Puis hétéroclites sont les parcours des femmes ayant suivi des trajectoires « de côté », visant à contourner ce plafond de verre. Deux types de trajectoires se distinguent. D'une part, certains parcours sont marqués par la recherche d'une visibilité, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'organisation, qui fait gagner en légitimité pour accéder aux postes de direction les plus élevés. En n'adoptant pas forcément les parcours les plus valorisés dans les organisations, mais, par exemple, en prenant le risque de diriger un projet d'envergure, les femmes relèvent des défis qui leur permettent parfois de contourner les obstacles de l'ascension professionnelle. D'autre part, certains parcours semblent s'inscrire dans des « chemins de traverse » : en changeant régulièrement d'entreprise, de fonction et/ou de poste, ces femmes acquièrent une forte légitimité par l'accumulation de compétences variées leur donnant une vision stratégique de l'organisation. Ces parcours sont typiques de femmes issues d'un cursus universitaire et d'origine sociale souvent plus modeste. Quatre facteurs explicatifs du succès professionnel des femmes sont mis en avant par l'étude : le parcours diplômant, les soutiens professionnels et personnels dont elles disposent (encouragements provenant de leur entourage personnel et professionnel et de leurs supérieurs hiérarchiques, mentors qui les aident à décrypter les codes organisationnels et leur signalent de nouvelles opportunités professionnelles), la connaissance des modes de structuration des carrières dans les organisations (acceptation d'un certain nombre de « passages obligés » - mobilité géographique, nationale et plus souvent internationale, changement fréquent de poste, encadrement de salariés - qui peuvent leur être a priori défavorables dans la mesure où ils sont difficilement compatibles avec la gestion des tâches domestiques et familiales, qui reste davantage à la charge des femmes), la disponibilité et l'engagement total. Sur ce dernier point en particulier, l'étude souligne que toutes les femmes interrogées évoquent sans ambiguïté la disponibilité temporelle totale qu'a nécessité leur carrière. Elles se plient ainsi à des normes organisationnelles subies, comme celle du présentéisme et celle de la réduction au minimum de leur congé maternité, même si certaines sont conscientes que ce n'est pas forcément nécessaire du point de vue de l'organisation du travail. Dans tous les cas de figure analysés, conclut l'étude, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle répond aux mêmes exigences : la vie familiale doit être neutralisée et surtout ne pas interférer sur le temps de travail. Cela passe par une organisation rigoureuse de la sphère domestique qui est entièrement déléguée (soit au conjoint, soit à un parent, soit à un(e) employé(e) à domicile). Dans tous les cas, les femmes restent néanmoins responsables de cette délégation et de son organisation, même lorsque le conjoint est investi.
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