Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne ont
définitivement validé, vendredi 23 novembre, la nomination du Luxembourgeois Yves
Mersch au directoire de la Banque centrale européenne (BCE), l'instance de
six membres gérant l'institution monétaire au quotidien. Et ce malgré
l'opposition du Parlement européen, qui avait rendu un avis négatif sur ce
choix le 25 octobre en raison de l'absence de femmes dans cette instance.
Alors qu'une femme avait toujours siégé au directoire de la
BCE entre 1998 et 2011, ce dernier est désormais intégralement masculin et
aucune nouvelle nomination n'est prévue avant juin 2018. La situation a
d'autant plus agacé le Parlement européen que les 17 présidents des banques
centrales nationales, qui siègent aux côtés des membres du directoire au
conseil des gouverneurs de la BCE, sont également tous des hommes.
Le conseil européen a donc décidé d'ignorer le vote, qui n'a qu'une portée consultative, des
parlementaires européens. Une décision que Sylvie Goulard a qualifiée d'"absolument lamentable".
Jointe vendredi matin par téléphone, l'eurodéputée (Modem) mène la fronde au Parlement
européen et dénonce "le décalage complet entre le discours et les actes
sur le
renforcement de la légitimité démocratique et les décisions prises",
ainsi que "l'affaiblissement de
la BCE, qui aura désormais en son sein une personne à la légitimité contestée".
RÉGRESSION
Pour Mme Goulard, les chefs d'Etats et de gouvernement ont
validé une "grave régression" : "Ce n'est pas un combat de femmes contre hommes,
c'est la lutte contre de vieilles structures fermées, souvent masculines. Se priver de femmes, c'est se priver de ressources, de l'utilisation la plus optimale de
talents, car 60 % des personnes formées dans
les universités sont des femmes".
L'eurodéputée juge également que la nomination de M. Mersch
est "révélatrice" d'un problème plus large : "Les
gouvernements sont en train de détruire l'Europe. Comment voulez-vous que les gens soient pro-européens
si l'Europe bafoue ses principes fondamentaux, si l'Europe prétend défendre des choses qu'elle ne
respecte pas ?"
Le président du Parlement européen, l'Allemand Martin
Schulz, a estimé que "du point de vue de la bonne coopération
entre les institutions, ce n'est pas un pas dans la bonne direction. La BCE
s'est dotée d'un membre à son directoire sans mandat démocratique".
"Les dirigeants européens ont aujourd'hui envoyé un
signal clair de leur conception du processus démocratique : un outil qui doit
être mis au rebut lorsque ce n'est plus pratique", a de son côté réagi
dans un communiqué la Britannique
Sharon Bowles, à la tête de la commission des affaires économiques au
Parlement européen.