Pour faire la courte échelle aux plus jeunes, prendre des
responsabilités, pousser leur carrière, des femmes s'organisent en réseaux
Quelle femme n'aimerait pas travailler à distance quelques jours par semaine en restant chez elle? Ou pouvoir s'appuyer sur un « mentor », parrain ou marraine, aguerri dans la carrière, qui lui apprenne à demander - et à obtenir - une augmentation ou une promotion? Ou encore disposer d'une conciergerie qui lui faciliterait les tâches de la vie quotidienne? Depuis quelques années, certaines femmes, généralement des cadres, ont la chance de bénéficier, dans de grandes entreprises, de ce soutien dans leur vie professionnelle, grâce aux réseaux de femmes. Ceux-ci sont nés souvent à l'initiative de dirigeantes, parfois des entreprises elles-mêmes, pour pousser les femmes à prendre des responsabilités. C'est dans l'air du temps et, désormais, une nécessité légale. Les employeurs sont en effet tenus d'engager des actions pour réduire les inégalités hommes-femmes: en 2014, il faudra 20% de femmes dans les conseils d'administration des grosses boîtes, et 40% en 2017.
L'ampleur de la tâche explique
que le nombre de ces cercles explose. Emmanuelle Gagliardi, cofondatrice de
Connecting Women, en dénombre environ quatre cents. Ils portent des noms
suggestifs: Accent sur Elles à Accenture, InterpElles à EDF, WE à Areva, KNOW
(Kurt Salmon Network of Women), dans le cabinet conseil du même nom, O'Pluriel
chez Air Liquide... Quand ils se connectent entre eux, cela donne InterElles
regroupant les femmes de douze grandes entreprises de l'industrie, ou
Financi'Elles dans la banque et l'assurance.
En général, les cadres sup qui ont
lancé ces initiatives n'ont pas elles- mêmes des problèmes de carrière. Et,
prudentes, elles préviennent: il ne s'agit ni de lutte des classes ni de guerre
des sexes. « Un réseau, ce n'est pas un syndicat, on travaille main dans la
main avec la direction et beaucoup sont ouverts aux hommes. » Alors, pure
entraide de dirigeantes ambitieuses? Opérations de communication de grandes
boîtes voulant vendre leur politique RH? En partie mais pas seulement. Les
résultats sont parfois très concrets: « A la BPCE , explique Maryse
Vepierre, de la DRH, pour chaque poste d'encadrement, on propose
systématiquement une candidature d'homme et une candidature de femme. »
De son côté, pour faciliter la vie
des jeunes mères, Accenture, entreprise de conseil, a mené une expérience
permettant aux assistantes de travailler de chez elles quelques jours par
semaine. Cela a très bien fonctionné. Du coup, la moitié des salariés, femmes
mais aussi hommes - essentiellement des cadres, la moyenne d'âge étant de 31
ans - ont choisi d'entrer dans ce programme qui leur permet de travailler un,
deux ou trois jours par semaine à la maison. En prime, la maison organise des
ateliers sur la parentalité. Chez Assystem, société d'ingénierie très présente
dans l'aéronautique, Femmes d'Energie a organisé à Toulouse une journée de
recrutement auprès de demandeuses d'emploi peu diplômées pour des métiers
auxquels elles n'auraient jamais pensé car ils sont habituellement réservés aux
hommes: technicienne qualité, ajusteuse, soudeuse... Mais le grand combat des
réseaux, c'est d'aider les femmes à desserrer les freins psychologiques qui les
empêchent souvent d'avancer. Toutes choses égales par ailleurs, les différences
de salaires entre hommes et femmes sont encore de 9%. « Beaucoup de femmes
pensent que si elles ont bien travaillé, l'augmentation suivra automatiquement
», dit Laurence Dejouany d'InterElles. « Tandis que les hommes
n'hésitent pas à réclamer: «Je n'ai toujours pas mon augmentation, qu'est-ce
que c'est que ce bazar?» renchérit, à Accenture, Armelle
Carminati-Rabasse, directrice générale Human Capital and Diversity. Alors, à
coups de parrainage et de coaching, les réseaux apprennent aux femmes à oser
être ambitieuses. Qu'en pensent les hommes? Il paraît que certains commencent à
s'inquiéter! Et déjà, des femmes songent à organiser des ateliers sur le thème:
« Comment les aider à accepter notre ascension. »
Source : Le Nouvel Observateur, Jacqueline de Llinares, 12/12/12