De l'autocensure aux difficultés d'accès au crédit... De nombreux stéréotypes doivent encore être levés pour favoriser la création d'entreprise par les femmes. C'est le constat dressé par la ministre du droit des femmes, Najat Vallaud Belkacem qui présentera le 3 juillet un plan dédié à l'entrepreneuriat féminin. Objectif: 40% de femmes entrepreneures d'ici 2017.
Propos recueillis par Sébastien Pommier pour LEntreprise.com, publié le 19/06/2013 à 17:35, mis à jour le 20/06/2013 à 17:31
Quelles sont vos objectifs pour soutenir l'entrepreneuriat des femmes ?
Que ce soit pour la création ou la reprise d'entreprise, en France, seulement 30% le sont par des femmes. Notre objectif, c'est que l'implication des femmes aille croissant pour que l'on atteigne un taux de 40% de femmes entrepreneures d'ici 2017.
Quelles sont les principales difficultés dans l'entrepreneuriat au féminin ?
Elles sont nombreuses. Il y a d'abord beaucoup d'autocensure ou un manque d'appétence. La société ne leur a pas laissé entrevoir que le risque pouvait être fait pour elles, que c'était conciliable d'être mère et chef d'entreprise... Il y a un gros travail à faire sur la promotion de l'entrepreneuriat féminin, dès le collège. Mais aussi au lycée. Nous prévoyons une semaine de sensibilisation que l'on a lancée cette année de façon expérimentale où une centaine de femmes chefs d'entreprise ont rencontré les jeunes filles. C'est le rôle de modèle. C'est hyper important.
Le deuxième phénomène identifié, c'est le fait d'avoir un certain nombres de contraintes spécifiques quand on est une femme. On s'est rendu compte que bien souvent l'idée de créer leur entreprise arrivait après une reconversion ou un congé parental. On a envie de les soutenir mais elles ont un certain nombre de contraintes (comme la garde d'enfant) et manquent d'informations. Nous avons décidé de mettre le paquet sur un site internet qui verra le jour à la rentrée scolaire. Par ailleurs, un observatoire sera mis en place pour permettre d'analyser l'évolution de l'entrepreneuriat féminin. Le ministère des Femmes y fera travailler l'APCE et tous les réseaux d'accompagnement qui sont dispersés. Nous allons les regrouper pour créer dans chaque région un plan d'action dédié à l'entrepreneuriat féminin.
Avec un point d'accueil physique ?
Oui, il y aura une entrée dans chaque région, une sorte de guichet unique, avec bpifrance et la caisse des dépôts.
Vous parlez d'encourager l'entrepreneuriat chez les femmes, et justement il y en a beaucoup qui sont auto-entrepreneures. Avec la réforme présentée par Sylvia Pinel, vous n'avez pas peur de freiner leur volonté de se lancer ?
Je crois vraiment qu'il y a un malentendu sur la réforme de Sylvia Pinel. Je vous assure. Je trouve que le dispositif est le bienvenu car il doit permettre de garder cette souplesse. Ce que cherche à faire la reforme de Sylvia Pinel c'est sécuriser les auto-entrepreneurs. Le but est de les accompagner pour aller vers un statut plus sécurisant, ce qui n'existait pas dans le dispositif précédent. Objectivement, ce n'est pas un statut qui sécurise beaucoup. C'est l'insécurité totale. Donc faire en sorte que le parcours soit balisé pour que l'on s'installe dans un statut plus protecteur (comme artisan pas exemple) c'est mieux, et c'est bien pour les femmes en particulier.
Allez-vous prévoir un dispositif particulier pour favoriser l'accès au crédit des femmes chefs d'entreprise?
J'ai annoncé qu'on allait renforcer le fonds de garantie financière à l'initiative des femmes. L'enveloppe sera autour de 5 millions d'euros, donc ce serait assez intéressant. Des fonds expérimentaux seront mis en place dans les régions (en lien avec bpifrance et la Caisse des dépôts) pour constituer des fonds d'amorçage. Et puis il y aura une charte que l'on va signer avec la fédération bancaire française qui visera à former et sensibiliser les conseillers des agences à l'entrepreneuriat féminin.
On est donc moins bien accueilli quand on est une femme ?
On n'est pas du tout accueilli de la même façon quand on est une femme ou un homme. Il suffit de prendre des choses objectives comme le nombre de crédit accordés à des femmes et le montant des crédits lorsqu'ils le sont. Il y a moins de crédits accordés à des femmes et les montants sont plus faibles.
Il y a sans doute encore une fois une part d'autocensure et de limitation des femmes qui demandent moins que les hommes, mais il y a aussi une part de défiance accordée aux projets portés par une femme par rapport aux projets portés par un homme. Toutes les études le disent, il y a une nécessité de lever quelques stéréotypes.
J'ai reçu des témoignages de femmes qui me racontent leur rendez-vous avec leur conseillers bancaires qui les interrogent sur des choses ubuesques comme, " mais vous êtes mère de jeunes enfants, est-ce que vous pensez que ça va le faire ? ", " mais vous savez ce que c'est que de créer une entreprise ". Des questions qui peuvent les dissuader. On ne fait pas ça avec un père de jeunes enfants.
http://lentreprise.lexpress.fr/creation-entreprise/interview-comment-najat-vallaud-belkacem-va-doper-l-entrepreneuriat-des-femmes_41653.html?xtor=EPR-11-%5bENT_Zapping%5d-20130621--108102748@249022076-20130621063540